Page:Renan - Marc-Aurèle et la Fin du monde antique.djvu/653

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

diocre, inspirant très peu de vertu. C’est chez nos races occidentales, celtiques, germaniques, italiotes, que le christianisme a été réellement fécond.

Produit tout à fait juif à son origine, le christianisme est de la sorte arrivé à dépouiller, avec le temps, presque tout ce qu’il tenait de la race, si bien que la thèse de ceux qui le considèrent comme la religion aryenne par excellence est vraie à beaucoup d’égards. Pendant des siècles, nous y avons mis nos manières de sentir, toutes nos aspirations, toutes nos qualités, tous nos défauts. L’exégèse d’après laquelle le christianisme serait sculpté intérieurement dans l’Ancien Testament est la plus fausse du monde. Le christianisme a été la rupture avec le judaïsme, l’abrogation de la Thora. Saint Bernard, François d’Assise, sainte Élisabeth, sainte Thérèse, François de Sales, Vincent de Paul, Fénelon, Channing ne sont en rien des juifs. Ce sont des gens de notre race, sentant avec nos viscères, pensant avec notre cerveau. Le christianisme a été la donnée traditionnelle sur laquelle ils ont brodé leur poème ; mais le génie leur est bien propre. Saint Bernard, interprétant les Psaumes, est le plus romantique des hommes. Chaque race, en s’attachant aux disciplines du passé, se les attribue, les fait siennes. La Bible a ainsi porté des fruits qui ne sont pas les