Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/12

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à limiter son horizon, à évacuer des terres qu’on s’était adjugées et que l’on croyait même avoir conquises. Toute existence un peu active, rentrée dans son lit naturel, abandonne ainsi derrière elle comme des lais de mer, que le flot ne visitera plus. Il y a plaisir, quand on vieillit, à revenir sur ces souvenirs d’une curiosité qui fut sincère. Le public, d’ailleurs, a toujours été pour moi si indulgent que c’est un peu sa faute si je n’ai pas fait, en composant ce volume, la part plus large à l’oubli.

Ce fut surtout à partir de 1852 que, introduit par Augustin Thierry à la Revue des Deux Mondes, et par M. de Sacy au Journal des Débats, je cédai au goût du temps pour ce genre d’études critiques qui interdit les longues démonstrations, mais n’exclut pas une certaine philosophie générale. C’était le temps où MM. Laboulaye, de Sacy, Taine, Rigault, Prévost-Paradol donnaient une vie nouvelle à l’article Variétés et transportaient à la troisième page du journal l’intérêt que la première, consacrée à la politique, ne pouvait plus avoir. Nous essayions de sauver au moins la liberté intellectuelle, religieuse, littéraire, si fortement compromise, et peut-être fûmes-nous assez heureux pour y contribuer dans une certaine mesure. Plusieurs morceaux du présent volume sont