Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/131

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ville antique avec ses sept ou huit temples, rangés pour la plupart le long de l’ancien mur, de façon que du port cette ligne d’édifices se profilait sur le ciel. Le temple dit des Géants était sûrement quelque chose d’unique ; il présente les plus grandes colonnes doriques que l’on connaisse. Diodore dit vrai à la lettre : un homme peut se tenir dans leurs cannelures ; l’abaque des chapiteaux renversés à terre produit une sorte de stupéfaction. Un seul des télamons qui portaient l’architrave est étendu sur le sol. L’effet de ce colosse, dont les pièces désarticulées semblent les ossements d’un squelette, est tout à fait saisissant. Les pieds sont joints et minces ; ces colosses n’ont jamais rien porté effectivement ; ils étaient adossés à un mur ou à des pilastres. J’incline à croire qu’ils avaient l’air de soutenir un plafond à l’intérieur de la cella, ce qui expliquerait comment Diodore n’en parle pas. À l’extérieur, un tel décor eût trop frappé pour qu’on eût pu le passer sous silence. Le curieux sceau de Girgenti, au moyen âge, représentant l’aula gigantum[1], fournit des arguments pour et contre cette opinion. Ce qui me paraît certain en tout cas, c’est que le temple des Géants se rapporta primitivement à un culte oriental. Girgenti offre bien d’autres traces d’influence phénicienne dans son temple de Jupiter Atabyrius (du Tabor), de Jupiter Polieus (Melkarth), situé à l’intérieur de l’acropole, et dans les indices du culte de Moloch qui se laissent clairement entrevoir derrière les fables relatives au taureau de Phalaris. Ces géants, s’ils étaient à l’intérieur de

  1. Signat Agrigentum mirabilis aula gigantum.

    Piccone, Memorie storiche agrigentine, p. 453. Le tepidarium de Pompéi présente une disposition analogue, sur une petite échelle.