Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/170

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« Regarde ! Qui pourrait atteindre une gloire égale à la sienne ? Il avait amassé les biens de ce monde trompeur ; il avait montré aux hommes comment on arrive à la richesse, mais il n’en a pas joui. Le monde n’est qu’un rêve qui passe ; ni le bonheur ni le malheur ne durent… »

« Ô monde, cesse donc d’élever ainsi celui que tu veux moissonner ! Si tu voulais le faire disparaître, pourquoi l’élever ? Tu exaltes un homme au-dessus du firmament, puis tu le précipites sous la terre obscure. »

« … Ainsi disparut son trône royal et sa puissance ; le sort le brisa comme une herbe fanée. Quel fruit lui revient d’avoir supporté tant de soucis ? Sept cents ans avaient passé sur lui et lui avaient fait éprouver tout ce qui s’appelle bonheur et malheur. À quoi sert une longue vie ? Le monde te nourrit de miel et de sucre : mais, au moment où tu te vantes qu’il a versé sur toi ses faveurs et que toujours il te montrera sa face d’amour ; au moment où il te flatte et te caresse, quand tu lui as ouvert tous tes secrets, alors, il joue avec toi un jeu perfide et te fait saigner le cœur. Je suis fatigué de ce monde transitoire. Ô Dieu ! délivre-moi promptement d’un tel fardeau ! »

Quelles que soient les réserves que l’on doive faire sur la valeur littéraire du poëme de Firdousi, ce poëme garde un intérêt sans égal pour la mythologie et la psychologie ethnographique. On y voit à découvert ce qui ailleurs est caché, les lois secrètes qui président à la confection des épopées. Le Livre des Rois n’a pas échappé au sort commun de ces sortes de poëmes. Il s’est grossi successivement d’épisodes qui, en s’accumulant autour de