Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/280

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neur à la solide école d’orientalistes qui continue encore chez nous les excellentes traditions de Silvestre de Sacy, et lutte, non sans peine, avec l’appui de l’Institut, contre l’envahissement du charlatanisme, auquel la légèreté du public et parfois la faiblesse de l’administration donnent une si forte prime d’encouragement. M. Barbier de Meynard a su parfaitement trouver le style que demandait une pareille traduction, à l’exactitude de laquelle son autorité comme arabisant donne la meilleure des garanties.

La grande compilation d’histoire et de biographie à laquelle Maçoudi a donné le titre de Prairies d’or est un des plus importants écrits de l’Orient. Dans le vaste champ de l’histoire et de la polygraphie arabe, il n’y a pas un livre aussi instructif. La méthode de Maçoudi est assurément singulière. Jamais on ne vit un manque plus complet d’ordre et de classification. Omettant les événements principaux, qu’il suppose connus du lecteur, l’auteur insiste sur les détails, sur les cancans de la ville et les médisances du seraï. L’histoire littéraire surtout occupe une très-large place dans ses récits. On dirait que Maçoudi, devinant les procédés de la critique moderne, a compris quelle lumière les œuvres de la littérature jettent sur l’histoire politique et sociale d’un siècle. Malheureusement, les Prairies d’or ne sont qu’une très-petite partie de l’œuvre de Maçoudi. Aux yeux de leur auteur, ils n’étaient qu’un supplément, une sorte d’index, accompagné d’addenda, à deux autres grands ouvrages qu’il avait composés et que nous n’avons plus. Les Prairies d’or elles-mêmes reçurent un nouveau supplément. L’œuvre totale de Maçoudi formait ainsi une vaste ency-