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Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/312

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modèles, ils tombent dans l’enflure ou dans la platitude. Ce ne sont plus que d’insipides flatteries sur le monarque envisagé comme représentant la Divinité, et des sentiments d’une dévotion affectée, qui s’alliait à une grande corruption de mœurs et à un renversement complet de l’ordre social. »

De tous les morceaux que M. Dozy a recueillis dans son excellent volume de Recherches, le plus important est sans contredit son mémoire sur le Cid, qui formerait à lui seul un ouvrage. Grâce à une découverte inattendue, M. Dozy a trouvé moyen d’être neuf sur un sujet qui semblait depuis longtemps épuisé. En examinant, en 1844, un manuscrit de la bibliothèque de Gotha, dont le contenu avait été mal décrit, M. Dozy reconnut que ce manuscrit renfermait un ouvrage d’Ibn-Bassam, où il est longuement parlé du Campeador. Or Ibn-Bassam écrivait dix ans après la mort du Cid, et plus de trente-deux ans avant la plus ancienne chronique latine qui prononce le nom de Rodrigue ; de plus, il tenait ses renseignements d’une personne qui avait connu le Cid et qui avait assisté au siège de Valence. On comprend qu’en un sujet tout fabuleux, quand le jésuite Masdeu a pu écrire : « Je dois reconnaître que nous ne savons rien de certain sur Rodrigue Diaz le Campeador, pas même sa simple existence », on comprend, dis-je, quelle valeur acquiert aux yeux de l’historien le récit d’un témoin oculaire. Il faut avouer cependant que ceux qui préfèrent la légende à la réalité sauront assez mauvais gré à M. Dozy de sa découverte. L’amant de Chimène nous apparaît dans ce texte nouveau tout à fait à son désavantage, comme un brigand sans foi ni loi, manquant aux capitulations et aux serments,