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du passé de l’Algérie qui n’ait été l’objet de capitales recherches, d’importantes découvertes, dont plusieurs ont fort dépassé l’étroit horizon de l’histoire locale, et ont apporté à l’histoire générale du monde des données de premier intérêt. On peut comparer ce qui s’est passé à cet égard dans notre colonie au spectacle que présente la Société asiatique de Calcutta vers la fin du dernier siècle. À une époque où les études critiques étaient en décadence dans la mère patrie, Calcutta eut Colebrooke, William Jones, grands esprits ouverts, sans routine ni parti pris, aux directions nouvelles. Les colonies se formant d’ordinaire des éléments les plus indépendants d’une nation, il n’est pas rare de voir s’y développer ainsi, avec un éclat tout particulier, ce qui demande de l’intelligence ou de l’activité.


I.


L’histoire de l’Algérie se divise d’après le nombre des conquêtes étrangères qu’elle a subies. Les victoires successives des Romains, des Vandales, des Byzantins, des Arabes, des Français, sont les jalons qui coupent la monotonie de ses annales. N’y a-t-il pas cependant, au-dessous de ces couches de maîtres imposés tour à tour par la force, un fond indigène encore retrouvable, matière toujours prête à subir les dominations étrangères, pépinière éternelle de serfs pour les vainqueurs qui se sont succédé de siècle en siècle ? Ce fond existe, et il ne fallut qu’un coup d’œil superficiel pour le découvrir dans les Kabyles.