Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/35

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toire ; tout cela pâlit d’ailleurs auprès de faits comme la mission de Moïse, l’invention de l’écriture alphabétique, la conquête de Cyrus, celle d’Alexandre, l’envahissement du monde par le génie grec, le christianisme, l’empire romain, l’islamisme, la conquête germanique, Charlemagne, la Renaissance, la Réforme, la Philosophie, la Révolution française, la conquête du monde par l’Europe moderne. Voilà le grand courant de l’histoire ; ce grand courant est formé par le mélange de deux fleuves, auprès desquels tous les autres confluents ne sont que des ruisseaux. Essayons de démêler dans cet ensemble complexe la part de chacune des deux grandes races qui, par leur action combinée et le plus souvent par leur antagonisme, ont amené l’état du monde dont nous sommes les derniers aboutissants.

Une explication est d’abord nécessaire. Quand je parle du mélange des deux races, c’est uniquement du mélange des idées, et, si j’ose le dire, d’une sorte de collaboration historique qu’il s’agit. Les peuples indo-européens et les peuples sémitiques sont encore de nos jours parfaitement distincts. Je ne parle pas des Juifs, auxquels leur singulière et admirable destinée historique a donné dans l’humanité comme une place exceptionnelle, et encore, si l’on excepte la France qui a élevé dans le monde le principe d’une civilisation purement idéale, écartant toute idée de différence de races, les Juifs presque partout forment encore une société à part. L’Arabe du moins, et dans un sens plus général le musulman, sont aujourd’hui plus éloignés de nous qu’ils ne l’ont jamais été. Le musulman (l’esprit sémitique est surtout représenté de nos jours par l’islam) et l’Européen sont en présence