Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/367

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mérations supérieures au village ; mais ces agglomérations sont d’importance secondaire et sans autorité réelle ; elles n’empêchent pas les guerres civiles de djémâa à djémâa. Tout berbère est, de la sorte, un guerrier, et les guerres sont très-fréquentes. Heureusement elles sont peu meurtrières. L’esprit de conquête n’existant pas et les intérêts généraux ne fournissant pas matière à discussion, les Kabyles ne se battent entre eux que pour des questions d’amour-propre : violations vraies ou prétendues de l’anaïa, enlèvements de femmes, rixes particulières. La grande majorité des combattants n’a aucun intérêt direct à la lutte. Ils vont au feu sans haine, par esprit de solidarité et par point d’honneur. Ces guerres sont de véritables duels de village à village, de tribu à tribu. Après que la fusillade a duré un temps raisonnable et que les pertes sont à peu près égales de part et d’autre, les deux partis se retirent, emportant leurs blessés et leurs morts. Les choses se retrouvent alors exactement dans l’état où elles étaient avant la guerre, et la lutte n’a eu d’autre résultat que l’honneur satisfait.

La tribu est, au milieu de cette anarchie communale, le seul élément pacificateur. La tribu kabyle est formée par la réunion de plusieurs villages. Lorsqu’une querelle éclate entre deux villages, la tribu se porte comme médiatrice. Elle intervient aussi dans les discussions intérieures des djémâa. La tribu soutient de plus chaque village dans les affaires qui intéressent son honneur contre des étrangers. Les marchés, toujours situés hors des villages, lui appartiennent. Les villages, de leur côté, contribuent aux dépenses de la tribu, et lui doivent les prestations en nature ; mais la tribu ne s’immisce pas