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Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/380

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MÉLANGES D’HISTOIRE.

isolées où ce peuple semble nous avoir devancés, mais dont l’identité avec celles des modernes est plus ou moins contestable, bien qu’elles attestent au moins une direction semblable des esprits. On est sans doute plus frappé de retrouver en Chine, et cela dès la plus haute antiquité, plusieurs de nos institutions, notre système administratif, notre forme générale de gouvernement et de société, une histoire, en un mot, conduite par des mobiles analogues à ceux qui dirigent la nôtre, tandis que les idées européennes sont si étrangement dépaysées en s’appliquant aux autres peuples de l’Asie. La Chine est en quelque sorte une Europe non perfectible : elle a été dès son enfance ce qu’elle devait être à jamais, et telle est la raison de son infériorité. Elle n’a pas eu l’avantage de commencer par la barbarie et de ne posséder d’abord que le germe de son développement ultérieur, sauf à conquérir la perfection par de longs efforts. De là cette têtue médiocrité qui ôte à sa vie toute couleur tranchée, et qui, l’élevant du premier coup bien au-dessus de notre barbarie primitive, la retint ensuite si loin en arrière de notre civilisation actuelle.

Ces ressemblances de la civilisation chinoise avec celle de l’Europe moderne ne sont nulle part plus frappantes que dans le système d’instruction publique qu’elles ont l’une et l’autre adopté. C’est à peine si nous trouvons chez nos ancêtres immédiats dans l’ordre de l’esprit, je veux dire les Grecs et les Romains, quelque trace des institutions qui règlent l’instruction chez les peuples modernes. L’école était le plus souvent, chez eux, individuelle et privée ; l’éducation physique et morale avait seule un caractère officiel. Du reste, nul grade, nul con-