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374 MÉLANGES D’HISTOIRE.

pour eux non l’objet d’un culte religieux, mais d’un culte philosophique et littéraire. C’est comme exercice intellectuel et comme leçon de morale que l’étude des King a paru aux Chinois propre à servir de fondement à l’éducation. « La double difficulté qu’il faut vaincre pour les lire et en comprendre le sens est supposée exercer au plus haut degré les diverses facultés de l’esprit. L’inégalité du succès dans leur explication, constatée par des concours réguliers, sert comme une sorte de caractère spécifique pour marquer la portée de l’intelligence et désigner le rang auquel chacun peut légitimement atteindre dans les emplois publics pour l’utilité de l’État. » À diverses époques, il est vrai, l’étude du style antique fut négligée et on y substitua les modèles écrits en style moderne ; mais ces innovations eurent toujours de fâcheux effets pour la culture intellectuelle et morale, et, au lieu de la gravité, de la modestie que les anciens candidats puisaient dans l’étude des King, on n’eut plus que des esprits légers et futiles, sans sérieux et sans principes. De même pourtant que chacune des nations européennes a bientôt ajouté aux auteurs anciens une classe d’auteurs modernes, mais non contemporains, qu’une forme plus sévère et je ne sais quel vernis d’antiquité ont déjà consacrés ; de même les Chinois ont associé aux King un certain nombre d’ouvrages d’une date relativement récente, et se sont ainsi constitué un second ordre de classiques. Tous les faits d’ailleurs qui ont coutume de se produire autour de livres placés au panthéon littéraire se sont manifestés dans la manière dont les King ont été traités par les lettrés. Critique scrupuleuse des textes, innombrables commentaires, admi-