Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
398
MÉLANGES D’HISTOIRE.

philologie dans les temps où, sans avoir d’existence indépendante, elle s’annonçait déjà en traits caractérisés, est pleine de finesse et d’érudition. Il place avec raison cette époque vers le siècle de Solon et de Pisistrate. Pisistrate est déjà le centre d’un mouvement philologique assez actif. Il a sous lui un collège de copistes et de rédacteurs. Les collections de livres se forment : les diaskévastes (διαθεταί, διορθωταί), fondent, bien que sans aucune prétention scientifique, la critique des textes ; les poëmes homériques sont, dès lors, ce qu’ils seront pour toute la philologie antique, le centre des travaux de critique et d’exégèse. Déjà Hérodote refuse d’attribuer à Homère les Cypriaques, élève des doutes sur l’authenticité des Épigones. Les bibliothèques devenaient plus nombreuses et plus riches. Polycrate, tyran de Samos, en rassembla une considérable pour le temps ; les œuvres d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide étaient conservées dans les archives d’Athènes par l’officier public appelé γραμματεὺς τῆς πόλεως. Le caractère du philologue est encore mieux dessiné chez les sophistes. Quelques-uns d’entre eux, comme Euthydème, possédaient des collections de livres. Le curieux caractère d’Ion, tel qu’il est dépeint dans le dialogue de ce nom attribué à Platon, ce rapsode d’une époque réfléchie, vouant un culte exclusif à tel poëte ancien, mais uniquement attentif au son des mots, est un type original de la transition du rapsode ancien au philologue. L’éducation, bornée avant le siècle de Platon à la jouissance des chefs-d’œuvre nationaux, devient désormais philologique et littéraire. Jusqu’alors elle avait été à peu près la même pour tous. Maintenant elle est inégale, et, selon ses degrés, elle commence à établir