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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 483

dernier continuateur, le carme Jean de Venette, professant les doctrines les plus démocratiques et écrivant déjà l’histoire avec un plein sentiment des droits du peuple.

La poésie latine fut aussi le partage de M. Le Clerc. Quand le moyen âge veut imiter les rhythmes de l’antiquité classique, il réussit bien rarement. Ses hymnes liturgiques assujetties à la prosodie de l’antiquité, ses poëmes solennels, comme celui de Jean de Garlande, ont quelque chose de faible, de banal, d’écolier. Il faut faire des exceptions pour Vital de Blois, Guillaume de Blois, Matthieu de Vendôme, qui, par une vraie connaissance de la poésie classique, surtout de Plaute, arrivèrent à produire deux ou trois scènes du meilleur comique. Quant aux pièces latines, où, renonçant à la quantité, les poëtes se conformèrent aux rhythmes de la poésie vulgaire, elles sont bien supérieures. Quelques hymnes à la Vierge sont d’une harmonie charmante. Dans les cantilènes profanes, éclate déjà toute la légèreté, toute la finesse de l’esprit français. Tel recueil de chansons latines du XIIIe siècle, — les Carmina Burana, par exemple, — égale par la variété des strophes, par la gaieté de la phrase dominante, par l’heureux agencement des refrains, tout ce que les chansonniers modernes ont fait de plus exquis. Ce sont le plus souvent des chansons d’étudiants, de clercs ribauds, de truands, de cette burlesque familia Goliœ, sur le compte de laquelle on mettait toutes les bouffonneries ; d’autres fois, des satires spirituelles contre les désordres des moines et du clergé, contre l’avarice et les exactions de la cour de Rome, contre les vices du siècle ; parfois d’innocentes plaisanteries, d’inoffensives histoires de curés à la façon de Gresset. M. Le Clerc