Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/70

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principe qui se trahit du reste si naïvement dans l’usage de la momification. Une autre particularité non moins importante a été découverte par M. Mariette. Dans l’épaisseur de la maçonnerie, également dissimulés avec soin, ont été ménagés des réduits complètement obscurs, où se trouvent des statues en ronde bosse du mort, statues semblables, au mode de travail près, à celles qui se voient dans les chambres ouvertes du tombeau. Ces précieux spécimens de la sculpture égyptienne 4000 ans avant Jésus-Christ, tantôt en bois, tantôt en granit, tantôt en calcaire, sont maintenant fort nombreux ; ils forment la principale richesse du musée de Boulaq. À l’époque où M. Mariette travaillait pour la France, il en envoya plusieurs au Louvre. Vous connaissez cet admirable petit scribe du musée Charles X, et vous savez par conséquent quelle finesse d’exécution, quel réalisme minutieux, quelle précision ethnographique, si j’ose le dire, les artistes égyptiens y ont portés. Tout cela est laid, commun, vulgaire, assurément ; mais jamais on n’a mieux fait ce qu’on voulait faire. C’est un prodige sans égal que cette statue de bois du musée de Boulaq, à laquelle les fellahs donnèrent tout d’une voix, quand ils la trouvèrent, le nom de cheik-el-beled, « le cheik du village ». C’est la statue d’un certain Phtah-sé, gendre du roi. La statue de sa femme a été trouvée près de lui. L’expression de contentement naïf répandue sur la figure souriante de ces deux bonnes gens est chose indicible. On dirait deux Hollandais du temps de Louis XIV. On ne peut douter, à la vue de ces statues, qu’avant sa période de royauté despotique et somptueuse, l’Égypte n’ait eu une époque de patriarcale liberté. L’art officiel et pompeux des Touthmès