Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/80

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avec fermeté du premier roi Ménès, je l’arrêtais : « Toutes les vieilles listes royales, lui disais-je, débutent par des dieux transformés en rois, selon le procédé évhémériste de l’antiquité. N’est-il pas probable qu’en votre Égypte, comme partout ailleurs, les premiers rois sont des dieux, que plus tard on aura pris pour des hommes ? Et voyez en effet votre roi Ménès et son successeur Atothis : ils jouent le rôle de législateurs primitifs, d’anciens sages, d’anciens révélateurs, comme Manou, Minos, Romulus, Numa, Thésée et autres personnages sans réalité ou d’une réalité fort douteuse. » Impossible de s’arrêter à de tels doutes. Ménès n’a rien de mythique. C’est bien réellement, non certes le plus ancien roi d’Égypte, mais le premier dont les annalistes égyptiens retrouvèrent le cartouche. Ce cartouche en effet se lit encore sur divers monuments ; mais aucun de ces monuments n’est contemporain de Ménès lui-même. Quand on dressa le canon historique des rois (et cela se fit à une époque fort ancienne), on le mit en tête, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y eût pas eu de rois avant lui. Il ne faut pas poser de principe absolu en critique historique. Telle loi qui est vraie dans le sein de la famille indo-européenne n’est pas vraie dans le sein de la famille sémitique. Ce qui est vrai de la famille indo-européenne et de la famille sémitique peut se trouver totalement faux, si on l’applique à l’Égypte et à la Chine. Une distinction capitale en tout cas doit être faite entre les peuples qui ont écrit de très-bonne heure, Chinois, Égyptiens, Babyloniens, et les peuples qui ont écrit tard, tels que les peuples sémitiques et surtout les peuples indo-européens. Chez ces derniers, le mythe, la légende occu-