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Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/87

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Au viie siècle, l’Égypte, désorganisée, ne reprend un peu d’ordre que grâce à une bande de mercenaires grecs jetés par hasard sur ses côtes et enrôlés par Psammétique. En 528, il suffit de l’apparition d’une armée achéménide pour l’abattre ; Alexandre et ses successeurs inaugurent définitivement pour elle ce long régime de servitude qui ne finira plus.

Voilà la signification de l’Égypte dans le développement de l’humanité. Elle forme à elle seule le premier livre de toute philosophie de l’histoire. Sans doute elle ne fut pas, à ces époques reculées, un phénomène aussi unique qu’elle le paraît. La Chine, Babylone, eurent de très-bonne heure de grandes monarchies administratives ; mais on n’osera parler avec assurance de la chronologie chinoise que quand les principes de la critique moderne y auront été appliqués : il y faudrait un sinologue qui fût à la fois un Wolf et un Mommsen. Ce que nous savons de Babylone et de l’Assyrie ne remonte pas à beaucoup près aussi haut que ce qu’il nous est donné de connaître de l’Égypte ; l’archéologie et la philologie assyriennes sont d’ailleurs bien moins avancées que l’égyptologie. L’Égypte reste donc, dans l’antiquité, comme un grand tronçon historique isolé, comme une sorte de Nil sans affluents, sans bassin, sans vallées adjacentes, coulant seul au milieu du désert. Essentiellement original, surtout par ce qui lui manqua, ce premier essai de société constitue une expérience d’un prix sans égal. Ah ! quand aurons-nous aussi une Chine étudiée philosophiquement ? Comment l’Allemagne, qui semble prendre pour elle presque tout le fardeau du travail de la critique, ne donne-t-elle point à cette branche capitale de la philologie une escouade