Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec M. Descuret, actuellement à Paris. Ce sera pour notre prochaine correspondance, bonne amie. Adieu, excellente sœur ; appuie-toi sur ma tendresse, comme j’ai besoin de le faire sur la tienne. Ton frère tout affectueux.

E. RENAN.


MADEMOISELLE RENAN
au château de Clemensow près Zamosc, Pologne.


Paris, 4 août 1847.

Ma chère amie, Te voilé donc parvenue au terme de ces longs voyages qui ont occupé deux années de ta vie. Bien que je puise dans cette pensée une sorte de sécurité, je ne puis songer sans un sentiment pénible, à l’impression d’ennui et de monotonie qu’aura dû causer sur toi le retour à ton ancienne vie, après la variété animée de celle que tu as menée depuis longtemps. Je crois sans doute, ainsi que tu nous l’as exprimé tant de fois, que la vie de voyage est plutôt pénible qu’agréable, au moment même du voyage ; mais enfin elle ne peut manquer d’avoir quelque charme pour l’esprit cultivé et capable d’observer. C’était donc un intérêt jeté sur la vie froide et uniforme. Que sera-ce maintenant, dans ce monde de glace, qui ne sait payer qu’en argent des services qui devraient avant tout être payés d’égards et d’affection ?