Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/160

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A MON ERNEST.


12 mars 1848.

Les quelques lignes que je t’ai adressées par l'entremise de mademoiselle Ulliac, celles que j’ai écrites à notre frère en le priant de te les faire parvenir, te prouveront une fois encore, mon Ernest, à quelles souffrances mon cœur est ou proie quand c’est pour toi qu’il est réduit à craindre. J’ai reçu ta lettre quelques heures après le départ de la dernière de mes missives. Merci, mille fois merci, bon et très cher ami, d’avoir aussi vite que possible allégé mes terreurs, adouci mon cruel supplice. J’ai vu promptement que ce n’était pas toi qui te trouvais en retard ; c’est la lettre qui a été plus longtemps que de coutume à venir de tes mains dans les miennes. Pardonne-moi ce qui pourrait ressembler à un reproche dans le peu de mots que j’ai écrits pour toi à notre bon Alain ; j’étais si malheureuse !… Dans ces deux lettres, mon ami, aux premiers bruits des événements qui donnent à tous une si profonde et si juste émotion, je te suppliais de te rendre près de notre mère, de chercher près d’elle une sécurité que je ne croyais pas possible à Paris. Quoique peu de calme (d’apparence de calme au moins) ayant depuis succédé à la grande tempête, je doute que tu aies accédé à ma prière ; cependant j’adresse encore ces lignes à made-