Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/17

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et j’ai été ravi de l’amabilité et de la bonté qu’il m’a témoignées. Il s'attendait, je crois, à trouver un homme de trente ou quarante ans et mon air tout jeune (car tous me donnent dix-huit à vingt ans) l’a d’abord surpris  ; mais il ne m’en a témoigné que plus d’intérêt. Il a fallu comme d’ordinaire faire mon histoire ; elle lui a beaucoup plu, et il m'a félicité de ce que j’avais fait. Enfin, chère amie, j’ai passé avec lui une heure délicieuse, qui a suffi à m’élever et à m’exalter pendant plus de huit jours, et dont le souvenir me soutient, quand je tombe. Il est si nécessaire de trouver en dehors de soi quelque cause excitatrice. Le contact des esprits forme seul les esprits. Après m’avoir donné d’excellents conseils sur la direction de mes études philosophiques, et m’avoir surtout fortement engagé à m’agréger en philosophie, en me présageant les plus heureux succès, il m’invita à continuer de lui présenter de nouvelles observations, lorsque l’occasion s’en présenterait, et surtout à lui rendre de fréquentes visites, pour le tenir du courant de mes études.

J’ai dû t’apprendre dans une autre lettre comment j’avais fait connaissance d’une manière analogue avec M. Egger, professeur de littérature grecque à la Sorbonne, lequel m'a renouvelé à une seconde visite la promesse qu’il m’avait faite à une première de m'admettre à sa conférence de licence, aussitôt qu’elle offrirait une place vide. Tu vois donc, chère amie, que je ne suis pas complètement privé de tout appui extérieur. Et puis, chère