Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/179

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c'est-à-dire une désorganisation de l’ancien établissement. L’enseignement scientifique n’est plus là évidemment qu’une superfétation, un appendice inutile qu’on conserve pour la forme. Il n’y a plus de Collège de France. Un règlement ultérieur a cherché, il est vrai, à rattacher l’une à l’autre ces deux parties trop disparates. Il a été réglé que tous les professeurs de littératures anciennes feraient un nombre déterminé de leçons (quinze pour le sanscrit, cinq pour le persan, quinze pour l’hébreu, etc.) accessibles au commun, et où les élèves de l’école pussent assister. Mais ce n’est qu’un expédient ridicule, dont on s’est moqué. Que signifie d’obliger des futurs employés du ministère, à écouter quinze leçons sur Rama et Vischnou ? Évidemment, cela n’est établi que pour mettre un lien artificiel entre les deux parties de l’école, dont l’une tendra toujours à expulser l’autre. Pour ma part, chère amie, je serais désolé de cette nouvelle institution, si je croyais qu’elle dût durer. Mais je ne le pense pas, et peut-être aura-t-il été utile que le Collège de France ait traversé l’orage sous le couvert d’un nom protecteur aux yeux de nos barbares.

Adieu, excellente amie, tu sais avec quelle affection je suis ton frère et meilleur ami.

E. RENAN.