Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/441

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que tu as justement admiré est l’œuvre du sculpteur Bartolini, qui vient de mourir et que j’ai connu à Florence.

Tu m’as mis dans le cœur une angoisse cruelle, mon Ernest, en me disant que tu prendras peut-être la voie de Livourne et de la mer pour retourner à Rome. J’ai beau me redire que j’ai fait sans accident la même traversée, je ne puis me rassurer quand je te sais sur les flots. Ah ! que je vais passer de pénibles, nuits jusqu’à la réception de ta prochaine lettre  ! Nous vivons ici au milieu de tempêtes continuelles, et ces vents violents me jettent l’effroi dans l’âme quand je pense qu’ils peuvent être pour toi un danger. Pardonne-moi, mon bien bon ami ; je ne suis pas maîtresse de ces terreurs. — Adresse tes lettres à Varsovie : on dit chaque jour que nous y retournerons bientôt. Il est vrai qu’il y a six mois que ce bientôt dure ; cependant il pourrait bien arriver avant une réponse à ces lignes. Écris-moi directement de Rome à Varsovie, sans envoyer tes lettres par la France : elles me parviennent un peu plus vite par la voie directe. Dis-moi pourquoi ta dernière, celle dont M. Daremberg était chargé, ne porte pas une adresse de ta main.

Je ne t’ai pas expliqué ce qui a donné lieu, probablement, au fait dont madame Daremberg avait parlé à son mari  ; c’est en soi chose fort simple. J’écrivais un jour à mademoiselle Ulliac, pendant que j’étais encore dans l’anxiété cruelle que ton premier silence m’a causé. Je ne lui