Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/447

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je te demande. Je me ferais certainement conscience de te faire renoncer aux avantages que le comte ne peut manquer de t’offrir pour t’engager à rester, si la raison péremptoire de ta santé ne tranchait pour moi la question. Que puis-je t’offrir ? J’ai presque l’air, Dieu me pardonne  ! de l’appeler pour partager avec moi ! Mais je me ferais un reproche bien plus terrible encore de ne pas employer toute la force de mes prières et de mes supplications pour te porter à fuir ce climat meurtrier pour toi. Henriette, ma sœur chérie, songe donc aux larmes auxquelles tu me condamnerais, si, par une prolongation intempestive, tu me privais à jamais du bonheur de te revoir. Je suis ainsi fait que très difficilement une autre femme que toi m’aimera, je n’ai pas cette petite activité qui attache si fort à la vie vulgaire. Quel ressort me resterait après toi ? J’ai vu avec bonheur que dans ta lettre d’aujourd’hui tu ne parles pas du tout de prolonger ton séjour ; mais aujourd’hui même j’ai reçu des lettres de Saint-Malo où Alain et maman me parlent avec peine de déclarations beaucoup plus explicites que tu leur faisais à ce sujet. Écris-moi tout de suite pour m’assurer que tu ne dépasseras pas l’automne prochain. Ce sera un moment bien important pour moi : les énormes bouleversements qui vont avoir lieu à ce moment dans l’instruction publique marqueront une phase dans ma vie comme dans celle de tant d’autres.

J’ai reçu d’excellentes nouvelles de Darem-