Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/457

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pondance n’est qu’un contre-sens et une rectification perpétuelles. Uno seule chose reste toujours claire et évidente pour nous deux au milieu de tous ces malentendus ; c’est notre inaltérable affection et notre confiance sans bornes l’un dans l’autre. Sur ce point-là aucune explication n’est nécessaire.

Est-ce la joie, est-ce l’inquiétude, ma bien-aimée, qui l’a emporté en mon âme en lisant pour la première fois ces lignes que depuis quelques heures je relis sans cesse, et dont je voudrais rendre chaque parole significative ? Comment ne craindrais-je pas, te sachant en proie à des souffrances que tu avoues et auxquelles tu consens à faire attention ? C’est maintenant, ma chère amie, que je me mets à genoux devant toi pour te conjurer, si tu me portes quelque affection, de ne pas tarder au delà de l’automne prochain. Ç’a toujours été là ma pensée fixe, et si, dans ma dernière lettre, j’ai paru céder, c’est devant des considérations qu’il eût été presque indélicat de ma part de combattre. Mais désormais je serai inébranlable : il ne dépend pas de moi d’influencer tes libres déterminations, dans une affaire surtout où à tant d’égards je te demande de te sacrifier à moi  ; mais laisse-moi te dire que tu me causeras la peine la plus vive, que tu repousseras la prière la plus instante qu’un frère puisse adresser à sa sœur, si tu n’acquiesces sur ce point à mes vœux. Il y a plus, chère amie : j’ai donc repris le projet de mon voyage de Venise ; pourquoi ne reprendrions-nous l’annexe de ce