Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à toi ! je voudrais retenir ces lignes, quand je songe à l’impression douloureuse qu’elles vont te causer, — et pourtant il faut que je te les adresse. Il y a quinze jours, je t’écrivis il Rome que j’étais malade et privée de tout secours dans le désert de Clemensow. Depuis, j’ai été dans le plus pénible état ; et maintenant je suis à Varsovie et un peu mieux, mon bon et mille fois cher ami. Il s’agit d’un mal de gorge, dans les voies de la respiration. J’en ai ressenti quelque chose pendant l’hiver affreux qui vient de s’écouler, mais depuis un mois, c’est devenu très violent. Dès que le temps m’a permis de me mettre en voyage, je suis partie pour Varsovie, en dépit de tous les obstacles. Le médecin français que j’ai enfin vu ici, a trouvé le mal de la plus haute gravité, mais conserve toujours une grande espérance de le guérir. C’est une irritation de la gorge poussée à de très hautes limites ; cependant, je le répète à dessein, mon bien-aimé frère, il m’autorise à te dire qu’il conserve tout espoir de guérison. Il a attaqué, à l’aide d’un acide, des boursouflures énormes qu’il y avait dans cette malheureuse gorge, et maintenant je parle et je respire plus librement. — Mon Ernest, mon frère chéri, je n’ai qu’un sentiment, qu’un désir, c’est de me rapprocher de toi, de notre mère, de notre patrie, d’aller chercher enfin un ciel moins rigoureux. Le médecin m’a formellement déclaré que, lors même que j’obtiendrais maintenant une guérison, je ne dois pas m’exposer à passer ici un nouvel hiver. D’un autre côté, il