Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/117

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chapelles ; les saints auxquels elles sont dédiées sont trop maîtres du pays pour qu’on songe à les chasser ; mais on ne parle guère d’eux à la paroisse. Le clergé laisse le peuple visiter ces petits sanctuaires selon les rites antiques, y venir demander la guérison de telle ou telle maladie, y pratiquer ses cultes bizarres ; il feint de l’ignorer. Où donc est caché le trésor de ces vieilles histoires ? Dans la mémoire du peuple. Allez de chapelle en chapelle ; faites parler les bonnes gens, et, s’ils ont confiance en vous, ils vous conteront, moitié sur un ton sérieux, moitié sur le ton de la plaisanterie, d’inappréciables récits, dont la mythologie comparée et l’histoire sauront tirer un jour le plus riche parti[1].

Ces récits eurent la plus grande influence sur le tour de mon imagination. Les chapelles dont je viens de parler sont toujours solitaires, isolées dans des landes, au milieu

  1. Un consciencieux et infatigable chercheur, M. Luzel, sera, j’espère, le Pausanias de ces petites chapelles locales et fixera par écrit toute cette magnifique légende, à la veille de se perdre.