Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/119

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cette liqueur, il prit l’habitude d’en boire, et on le vit plusieurs fois ivre. Le diable s’empara de lui à tel point qu’armé de couteaux, de pierres, de bâtons, de tout ce qu’il pouvait saisir, il poursuivait les gens qu’il voyait. On fut obligé de l’attacher avec des chaînes dans sa cellule. Ce fut un saint tout de même. Saint Cadoc, saint Iltud, saint Conéry, saint Renan ou Ronan, m’apparaissaient de même comme des espèces de géants. Plus tard, quand je connus l’Inde, je vis que mes saints étaient de vrais richis, et que par eux j’avais touché à ce que notre monde aryen a de plus primitif, à l’idée de solitaires maîtres de la nature, la dominant par l’ascétisme et la force de la volonté.

Naturellement, le dernier saint que je viens de citer était celui qui me préoccupait le plus ; puisque son nom était celui que je portais[1]. Entre tous les saints de Bretagne il n’y en a pas, du reste, de plus original. On

  1. La forme ancienne est Ronan, qui se retrouve dans les noms de lieux, Loc-Ronan, les eaux de Saint-Ronan (pays de Galles), etc.