Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/185

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il n’arriva que dans sa vieillesse à la critique et à la froideur d’esprit, tandis que le travail qui me détacha du christianisme me rendit du même coup impropre à tout enthousiasme pratique. Ce fut la philosophie même de la connaissance qui, dans ma révolte contre la scolastique, fut profondément modifiée en moi.

Un inconvénient plus grave, c’est que, ne m’étant pas amusé quand j’étais jeune, et ayant pourtant dans le caractère beaucoup d’ironie et de gaieté, j’ai dû, à l’âge où on voit la vanité de toute chose, devenir d’une extrême indulgence pour des faiblesses que je n’avais point eu à me reprocher ; si bien que des personnes qui n’ont peut-être pas été aussi sages que moi ont pu quelquefois se montrer scandalisées de ma mollesse. En politique surtout, les puritains n’y comprennent rien ; c’est l’ordre de choses où je suis le plus content de moi, et cependant une foule de gens m’y tiennent pour très relâché. Je ne peux m’ôter de l’idée que c’est peut-être après tout le libertin qui a raison et qui pra-