Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/189

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Il n’y a qu’à regarder ces lettres lourdement contournées, inégalement tordues par l’ennui, pour voir que tout cela a été composé dans la torpeur d’une demi-somnolence. Quand je relis ce que j’ai écrit, je m’aperçois que le morceau est très faible, que j’y ai mis une foule de choses dont je ne suis pas sûr. Par désespoir, je ferme la lettre, avec le sentiment de mettre à la poste quelque chose de pitoyable.

En somme, dans tous mes défauts actuels, je retrouve les défauts du petit séminariste de Tréguier. J’étais né prêtre a priori, comme tant d’autres naissent militaires, magistrats. Le seul fait que je réussissais dans mes classes était un indice. À quoi bon si bien apprendre le latin, sinon pour l’église ? Un paysan, voyant un jour mes dictionnaires : « Ce sont là, sans doute, me dit-il, des livres qu’on étudie quand on doit être prêtre. » Effectivement, au collège tous ceux qui apprenaient quelque chose se destinaient à l’état ecclésiastique. La prêtrise égalait celui qui en était revêtu à un noble. « Quand vous rencontrez un noble,