Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/208

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III

Oui, un lama bouddhiste ou un faquir musulman, transporté en un clin d’œil d’Asie en plein boulevard, serait moins surpris que je ne le fus en tombant subitement dans un milieu aussi différent de celui de mes vieux prêtres de Bretagne, têtes vénérables, totalement devenues de bois ou de granit, sortes de colosses osiriens semblables à ceux que je devais admirer plus tard en Égypte, se développant en longues allées, grandioses en leur béatitude. Ma venue à Paris fut le passage d’une religion à une autre. Mon christianisme de Bretagne ne ressemblait pas plus à celui que je trouvais ici qu’une vieille toile, dure comme une planche, ne ressemble à de la percale. Ce n’était pas la même religion. Mes vieux prêtres, dans leur lourde chape romane, m’apparaissaient comme des mages, ayant les