Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/213

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munication. Le jour où ma lettre lui fut remise était un vendredi. C’était le jour solennel. Le soir, on lisait en sa présence les places et les notes de la semaine. Je n’avais pas cette fois-là réussi ma composition : j’étais le cinquième ou le sixième. « Ah ! dit-il, si le sujet eût été celui d’une lettre que j’ai lue ce matin, Ernest Renan eût été le premier. » Dès lors, il me remarqua. J’existai pour lui, il fut pour moi ce qu’il était pour tous, un principe de vie, une sorte de dieu. Un culte remplaça un culte, et le sentiment de mes premiers maîtres s’en trouva fort affaibli.

Ceux-là seuls, en effet, qui ont connu Saint-Nicolas du Chardonnet dans ces années brillantes de 1838 à 1844, peuvent se faire une idée de la vie intense qui s’y développait[1]. Et cette vie n’avait qu’une seule source, un seul principe, M. Dupanloup lui-même. Il était sa maison tout entière. Le règlement, l’usage, l’administration, le gouvernement spirituel et temporel, c’était lui. La maison était pleine

  1. Ce tableau a été bien tracé par M. Adolphe Mortillon : Souvenirs de Saint-Nicolas. Paris, Lecoffre.