Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/287

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lui et mieux qu’il n’eût voulu. J’avais reçu de mes premiers maîtres, en Bretagne, une éducation mathématique assez forte. Les mathématiques et l’induction physique ont toujours été les éléments fondamentaux de mon esprit, les seules pierres de ma bâtisse qui n’aient jamais changé d’assise et qui servent toujours. Ce que M. Pinault m’apprit d’histoire naturelle générale et de physiologie m’initia aux lois de la vie. J’aperçus l’insuffisance de ce qu’on appelle le spiritualisme ; les preuves cartésiennes de l’existence d’une âme distincte du corps me parurent toujours très faibles ; dès lors, j’étais idéaliste, et non spiritualiste, dans le sens qu’on donne à ce mot. Un éternel fieri, une métamorphose sans fin, me semblait la loi du monde. La nature m’apparaissait comme un ensemble où la création particulière n’a point de place, et où, par conséquent, tout se transforme [1]. Comment cette conception, déjà assez claire, d’une philosophie

  1. Un écrit qui représente mes idées philosophiques de cette époque, mon essai sur l’Origine du langage, publié pour la première fois dans la Liberté de penser (septembre