Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/320

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chose, lentement, peu à peu, par une sorte de végétation intime. La théologie, en prétendant le contraire, entasse contre elle des montagnes d’objections, s’oblige à rejeter toute critique. J’engage les personnes qui voudraient se rendre compte de cela à lire dans une Théologie le traité des sacrements : elles y verront par quelles suppositions gratuites, dignes des Évangiles apocryphes, de Marie d’Agreda, ou de Catherine Emmerich, on arrive à prouver que tous les sacrements ont été établis par Jésus-Christ à un moment de sa vie. Les discussions sur la matière et la forme des sacrements prêtent aux mêmes observations. L’obstination à trouver en toute chose la matière et la forme date de l’introduction de l’aristotélisme en théologie au XIIIe siècle. Or on encourait les censures ecclésiastiques, si l’on repoussait cette application rétrospective de la philosophie d’Aristote aux créations liturgiques de Jésus.

L’intuition du devenir, dans l’histoire comme dans la nature, était dès lors l’essence de ma philosophie. Mes doutes ne vinrent