Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/347

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goût que par le passé pour ses prières. Le christianisme m’apparaissait comme plus grand que jamais ; mais je ne maintenais plus le surnaturel que par un effort d’habitude, par une sorte de fiction avec moi-même. L’œuvre de la logique était finie ; l’œuvre de l’honnêteté commençait. Durant deux mois à peu près, je fus protestant ; je ne pouvais me résoudre à quitter tout à fait la grande tradition religieuse dont j’avais vécu jusque-là ; je rêvais des réformes futures, où la philosophie du christianisme, dégagée de toute scorie superstitieuse et conservant néanmoins son efficacité morale (là était mon rêve), resterait la grande école de l’humanité et son guide vers l’avenir. Mes lectures allemandes m’entretenaient dans ces pensées. Herder était l’écrivain allemand que je connaissais le mieux. Ses vastes vues m’enchantaient, et je me disais avec un vif regret : « Ah ! que ne puis-je, comme un Herder, penser tout cela et rester ministre, prédicateur chrétien ! » Mais, avec la notion précise et à la fois respectueuse que j’avais du catholicisme, je n’arrivais