Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/349

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bien réellement toujours été mon maître. En suivant la vérité au prix de tous les sacrifices, j’étais convaincu de le suivre et d’obéir au premier de ses enseignements.

J’étais maintenant si loin de mes vieux maîtres de Bretagne, par l’esprit, par les études, par la culture intellectuelle, que je ne pouvais presque plus causer avec eux. Un d’eux entrevit quelque chose : « Ah ! J’ai toujours pensé, me dit-il, qu’on vous faisait faire de trop fortes études. » L’habitude que j’avais prise de réciter mes psaumes en hébreu, dans un petit livre écrit de ma main que je m’étais fait pour cela, et qui était comme mon bréviaire, les surprenait beaucoup. Ils étaient presque tentés de me demander si je voulais me faire juif. Ma mère devinait tout sans bien comprendre. Je continuais, comme dans mon enfance, à faire avec elle de longues promenades dans la campagne. Un jour, nous nous assîmes dans la vallée du Guindy, près de la chapelle des Cinq-Plaies, à côté de la source. Pendant des heures, je lus à côté d’elle, sans lever les yeux. Le livre