Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’un pour l’autre. Notre ardeur d’apprendre était égale ; nos cultures avaient été très diverses. Nous mîmes en commun tout ce que nous savions ; il en résulta une petite chaudière où cuisaient ensemble des pièces assez disparates, mais où le bouillonnement était fort intense. Berthelot m’apprit ce qu’on n’enseignait pas au séminaire ; de mon côté, je me mis en devoir de lui apprendre la théologie et l’hébreu. Berthelot acheta une Bible hébraïque, qui est encore, je crois, non coupée dans sa bibliothèque. Je dois dire qu’il n’alla pas beaucoup au delà des shevas ; le laboratoire me fit bientôt une concurrence victorieuse. Notre honnêteté et notre droiture s’embrassèrent. Berthelot me fit connaître son père, un de ces caractères de médecins accomplis comme Paris sait les produire. M. Berthelot père était chrétien gallican de l’ancienne école et d’opinions politiques très libérales. C’était le premier républicain que j’eusse vu ; une telle apparition m’étonna. Il était quelque chose de plus : je veux dire homme admirable par la charité et le dévoue-