Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/392

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je veux dire celle qui s’exerce, non seulement envers les personnes que l’on connaît, mais envers tout le monde sans exception[1]. Une telle politesse implique un parti général sans lequel je ne conçois pas pour la vie d’assiette commode ; c’est que toute créature humaine, jusqu’à preuve du contraire, doit être tenue pour bonne et traitée avec bienveillance. Beaucoup de personnes, surtout en certains pays, suivent la règle justement opposée ; ce qui les mène à de grandes injustices. Pour moi, il m’est impossible d’être dur pour quelqu’un a priori. je suppose que tout homme que je vois pour la première fois doit être un homme de mérite et un homme de bien, sauf à changer d’avis (ce qui m’arrive souvent) si les faits m’y forcent. C’est ici la règle sulpicienne qui, dans le monde, m’a mené aux situations les plus singulières et a fait le plus souvent de moi un être démodé, d’ancien régime, étranger à son temps. La vieille poli-

  1. J’ajouterai même envers les animaux. Il me serait impossible de manquer d’égards envers un chien, de le traiter rudement et avec un air d’autorité.