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Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/94

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pas un quart d’heure pour regarder en arrière. Jeté ensuite dans le courant de mon siècle, que j’ignorais totalement, je me trouvai en face d’un spectacle en réalité aussi nouveau pour moi que le serait la société de Saturne ou de Vénus pour ceux à qui il serait donné de la voir. Je trouvais tout cela faible, inférieur moralement à ce que j’avais vu à Issy et à Saint-Sulpice ; cependant la supériorité de science et de critique d’hommes tels qu’Eugène Burnouf, l’incomparable vie qui s’exhalait de la conversation de M. Cousin, la grande rénovation que l’Allemagne opérait dans presque toutes les sciences historiques, puis les voyages, puis l’ardeur de produire, m’entraînèrent et ne me permirent pas de songer à des années qui étaient déjà loin de moi. Mon séjour en Syrie m’éloigna encore davantage de mes anciens souvenirs. Les sensations entièrement nouvelles que j’y trouvai, les visions que j’y eus d’un monde divin, étranger à nos froides et mélancoliques contrées, m’absorbèrent tout entier. Mes rêves, pendant quelque temps, furent la chaîne brûlée