Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/113

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fond embrasse l’ensemble et en fasse l’unité. La raison d’art en pareil sujet est un bon guide ; le tact exquis d’un Gœthe trouverait à s’y appliquer. La condition essentielle des créations de l’art est de former un système vivant dont toutes les parties s’appellent et se commandent. Dans les histoires du genre de celle-ci, le grand signe qu’on tient le vrai est d’avoir réussi à combiner les textes d’une façon qui constitue un récit logique, vraisemblable, où rien ne détonne. Les lois intimes de la vie, de la marche des produits organiques, de la dégradation des nuances, doivent être à chaque instant consultées ; car ce qu’il s’agit de retrouver, ce n’est pas la circonstance matérielle, impossible à vérifier, c’est l’âme même de l’histoire ; ce qu’il faut rechercher, ce n’est pas la petite certitude des minuties, c’est la justesse du sentiment général, la vérité de la couleur. Chaque trait qui sort des règles de la narration classique doit avertir de prendre garde ; car le fait qu’il s’agit de raconter a été conforme à la nécessité des choses, naturel, harmonieux. Si on ne réussit pas à le rendre tel par le récit, c’est que sûrement on n’est pas arrivé à le bien voir. Supposons qu’en restaurant la Minerve de Phidias selon les textes, on produisît un ensemble sec, heurté, artificiel ; que faudrait-il en conclure ? Une seule chose : c’est que les textes ont besoin