Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/153

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Le maître d’école dans les petites villes juives était le hazzan ou lecteur des synagogues[1]. Jésus fréquenta peu les écoles plus relevées des scribes ou soferim (Nazareth n’en avait peut-être pas), et il n’eut aucun de ces titres qui donnent aux yeux du vulgaire les droits du savoir[2]. Ce serait une grande erreur cependant de s’imaginer que Jésus fut ce que nous appelons un ignorant. L’éducation scolaire trace chez nous une distinction profonde, sous le rapport de la valeur personnelle, entre ceux qui l’ont reçue et ceux qui en sont dépourvus. Il n’en était pas de même en Orient, ni en général dans la bonne antiquité. L’état de grossièreté où reste, chez nous, par suite de notre vie isolée et tout individuelle, celui qui n’a pas été aux écoles, est inconnu dans ces sociétés, où la culture morale et surtout l’esprit général du temps se transmettent par le contact perpétuel des hommes. L’Arabe qui n’a eu aucun maître est souvent néanmoins très-distingué ; car la tente est une sorte d’académie toujours ouverte, où, de la rencontre des gens bien élevés, naît un grand mouvement intellectuel et même littéraire. La délicatesse des manières et la finesse de l’esprit n’ont rien de

  1. Mischna, Schabbath, i, 3.
  2. Matth., xiii, 54 et suiv. ; Jean, vii, 15.