Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/160

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des derniers temps. Son auteur, vrai créateur de la philosophie de l’histoire, avait pour la première fois osé ne voir dans le mouvement du monde et la succession des empires qu’une fonction subordonnée aux destinées du peuple juif. Jésus, dès sa jeunesse, fut pénétré de ces hautes espérances. Peut-être lut-il aussi les livres d’Hénoch, alors révérés à l’égal des livres saints[1], et les autres écrits du même genre, qui entretenaient un si grand mouvement dans l’imagination populaire. L’avénement du Messie avec ses gloires et ses terreurs, les nations s’écroulant les unes sur les autres, le cataclysme du ciel et de la terre furent l’aliment familier de son imagination, et, comme ces révolutions étaient censées prochaines, qu’une foule de personnes cherchaient à en supputer les temps, l’ordre surnaturel où nous transportent de telles visions lui parut tout d’abord parfaitement naturel et simple.

  1. Epist. Judæ, 6, 14 et suiv. ; II Petri, ii, 4, 11 ; Testam. des douze patr., Siméon, 5 ; Lévi, 10, 14, 16 ; Juda, 18 ; Zab., 3 ; Dan., 5 ; Benj., 9 ; Nephthali, 4 ; Epist. Barnabæ, c. 4, 16 (d’après le Codex Sinaïticus). Voir ci-dessus, introd., p. xlii-xliii. Le « livre d’Hénoch » forme encore une partie intégrante de la Bible éthiopienne. Tel que nous le connaissons par la version éthiopienne, il est composé de pièces de différentes dates. Quelques-unes de ces pièces ont de l’analogie avec les discours de Jésus. Comparez, par exemple, les ch. xcvi-xcix à Luc, vi, 24 et suiv.