Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/162

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saient. Ce qu’il aimait, c’étaient ses villages galiléens, mélange confus de cabanes, d’aires et de pressoirs taillés dans le roc, de puits, de tombeaux, de figuiers, d’oliviers. Il resta toujours près de la nature. La cour des rois lui apparaît comme un lieu où les gens ont de beaux habits[1]. Les charmantes impossibilités dont fourmillent ses paraboles, quand il met en scène les rois et les puissants[2], prouvent qu’il ne conçut jamais la société aristocratique que comme un jeune villageois qui voit le monde à travers le prisme de sa naïveté.

Encore moins connut-il l’idée nouvelle, créée par la science grecque, base de toute philosophie, et que la science moderne a hautement confirmée, l’exclusion des forces surnaturelles auxquelles la naïve croyance des vieux âges attribuait le gouvernement de l’univers. Près d’un siècle avant lui, Lucrèce avait exprimé d’une façon admirable l’inflexibilité du régime général de la nature. La négation du miracle, cette idée que tout se produit dans le monde par des lois où l’intervention personnelle d’êtres supérieurs n’a aucune part, était de droit commun dans les grandes écoles de tous les pays qui avaient reçu la science

  1. Matth., xi, 8.
  2. Voir, par exemple, Matth., xxii, 2 et suiv.