Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/172

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désir. Elle crut avoir les promesses divines d’une destinée sans bornes, et, comme l’amère réalité qui, à partir du ixe siècle avant notre ère, donnait de plus en plus le royaume du monde à la force, refoulait brutalement ces aspirations, elle se rejeta sur les alliances d’idées les plus impossibles, essaya les volte-face les plus étranges. Avant la captivité, quand tout l’avenir terrestre de la nation se fut évanoui par la séparation des tribus du Nord, on rêva la restauration de la maison de David, la réconciliation des deux fractions du peuple, le triomphe de la théocratie et du culte de Jéhovah sur les cultes idolâtres. À l’époque de la captivité, un poëte plein d’harmonie vit la splendeur d’une Jérusalem future, dont les peuples et les îles lointaines seraient tributaires, sous des couleurs si douces, qu’on eût dit qu’un rayon des regards de Jésus l’eut pénétré à une distance de six siècles[1].

La victoire de Cyrus sembla quelque temps réaliser tout ce qu’on avait espéré. Les graves disciples de l’Avesta et les adorateurs de Jéhovah se crurent frères. La Perse était arrivée, en bannissant les dévas multiples et en les transformant en démons (divs), à tirer des vieilles imaginations ariennes, essentiellement naturalistes, une sorte de monothéisme. Le ton

  1. Isaïe, lx et suiv.