Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/186

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ter la paix aux justes et sceller à jamais l’œuvre de Dieu.

De tout temps, cette division en deux parties opposées d’intérêt et d’esprit avait été pour la nation hébraïque un principe de force dans l’ordre moral. Tout peuple appelé à de hautes destinées doit être un petit monde complet, renfermant dans son sein les pôles contraires. La Grèce offrait à quelques lieues de distance Sparte et Athènes, les deux antipodes pour un observateur superficiel, en réalité sœurs rivales, nécessaires l’une à l’autre. Il en fut de même de la Judée. Moins brillant en un sens que le développement de Jérusalem, celui du Nord fut en somme aussi fécond ; les œuvres les plus vivantes du peuple juif étaient toujours venues de là. Une absence totale du sentiment de la nature, aboutissant à quelque chose de sec, d’étroit, de farouche, a frappé les œuvres purement hiérosolymites d’un caractère grandiose, mais triste, aride et repoussant. Avec ses docteurs solennels, ses insipides canonistes, ses dévots hypocrites et atrabilaires, Jérusalem n’eût pas conquis l’humanité. Le Nord a donné au monde la naïve Sulamite, l’humble Chananéenne, la passionnée Madeleine, le bon nourricier Joseph, la vierge Marie. Le Nord seul a fait le christianisme ; Jérusalem, au contraire, est la vraie patrie du