Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/208

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doctrine de la synagogue[1]. Mais il y mettait un accent plein d’onction, qui rendait nouveaux des aphorismes trouvés depuis longtemps. La morale ne se compose pas de principes plus ou moins bien exprimés. La poésie du précepte, qui le fait aimer, est plus que le précepte lui-même, pris comme une vérité abstraite. Or, on ne peut nier que ces maximes empruntées par Jésus à ses devanciers ne fassent dans l’Évangile un tout autre effet que dans l’ancienne Loi, dans les Pirké Aboth ou dans le Talmud. Ce n’est pas l’ancienne Loi, ce n’est pas le Talmud qui ont conquis et changé le monde. Peu originale en elle-même, si l’on veut dire par là qu’on pourrait avec des maximes plus anciennes la recomposer presque tout entière, la morale évangélique n’en reste pas moins la plus haute création qui soit sortie de la conscience humaine, le plus beau code de la vie parfaite qu’aucun moraliste ait tracé.

Jésus ne parlait pas contre la loi mosaïque, mais on sent bien qu’il en voyait l’insuffisance, et il le laissait entendre. Il répétait sans cesse qu’on devait faire plus que les anciens sages n’avaient dit[2]. Il défen-

  1. Deuter., xxiv, xxv, xxvi, etc. ; Is., lviii, 7 ; Prov., xix, 17 : Pirké Aboth, i ; Talmud de Jérusalem, Péah, i, 1 ; Talmud de Babylone, Schabbath, 63 a ; Talm. de Bab., Baba kama, 93 a.
  2. Matth., v, 20 et suiv.