Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/21

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lesquels renferment des choses impossibles à croire, et d’ailleurs se contredisent entre eux. »

À la base de toute discussion sur de pareilles matières est la question du surnaturel. Si le miracle et l’inspiration de certains livres sont choses réelles, notre méthode est détestable. Si le miracle et l’inspiration des livres sont des croyances sans réalité, notre méthode est la bonne. Or, la question du surnaturel est pour nous tranchée avec une entière certitude, par cette seule raison qu’il n’y a pas lieu de croire à une chose dont le monde n’offre aucune trace expérimentale. Nous ne croyons pas au miracle comme nous ne croyons pas aux revenants, au diable, à la sorcellerie, à l’astrologie. Avons-nous besoin de réfuter pas à pas les longs raisonnements de l’astrologue pour nier que les astres influent sur les événements humains ? Non. Il suffit de cette expérience toute négative, mais aussi démonstrative que la meilleure preuve directe, qu’on n’a jamais constaté une telle influence.

À Dieu ne plaise que nous méconnaissions les services que les théologiens ont rendus à la science ! La recherche et la constitution des textes qui servent de documents à cette histoire ont été l’œuvre de théologiens souvent orthodoxes. Le travail de critique a été l’œuvre des théologiens libéraux. Mais il est une chose qu’un théologien ne saurait jamais être, je veux dire historien. L’histoire est essentiellement désintéressée. L’historien n’a qu’un souci, l’art et la vérité (deux choses inséparables, l’art gardant le secret des lois les plus intimes du vrai). Le théologien a un intérêt, c’est son dogme. Réduisez ce dogme autant que vous voudrez ; il est encore pour l’artiste et le critique d’un poids insupportable. Le théologien orthodoxe peut être comparé à un oiseau en cage ; tout mouvement propre lui est interdit. Le