beaucoup d’idées communes ; ils s’aimèrent et luttèrent devant le public de prévenances réciproques. Un tel fait surprend au premier coup d’œil dans Jean-Baptiste, et on est porté à le révoquer en doute. L’humilité n’a jamais été le trait des fortes âmes juives. Il semble qu’un caractère aussi roide, une sorte de Lamennais toujours irrité, devait être fort colère et ne souffrir ni rivalité ni demi-adhésion. Mais cette manière de concevoir les choses repose sur une fausse conception de la personne de Jean. On se le représente comme un homme d’âge mûr ; il était, au contraire, du même âge que Jésus[1], et très-jeune selon les idées du temps[2]. Il fut, dans l’ordre de l’esprit, le frère et non le père de Jésus. Les deux jeunes enthousiastes, pleins des mêmes espérances et des mêmes haines, ont pu faire cause commune et s’appuyer réciproquement. Certes, un vieux maître, voyant un homme sans célébrité venir vers lui et garder à son égard des allures d’indépendance, se fût révolté ; on n’a guère d’exemples d’un chef d’école accueillant avec empressement celui qui va lui succéder. Mais la jeunesse est capable de toutes les abnégations, et il est permis d’ad-
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