Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/431

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d’ « interprète des vérités célestes », de « docteur chargé de révéler aux hommes les mystères encore cachés[1]. » Il est très-douteux que Jésus se soit servi de ce mot. C’était ici une application du procédé que la théologie juive et la théologie chrétienne allaient suivre durant des siècles, et qui devait produire toute une série d’assesseurs divins, le métatrône, le synadelphe ou sandalphon, et toutes les personnifications de la cabbale. Seulement, dans le judaïsme, ces créations devaient rester des spéculations particulières et libres, tandis que, dans le christianisme, à partir du ive siècle, elles devaient former l’essence même de l’orthodoxie et du dogme universel.

Inutile de faire observer combien l’idée d’un livre religieux, renfermant un code et des articles de foi, était éloignée de la pensée de Jésus. Non-seulement il n’écrivit pas, mais il était contraire à l’esprit de la secte naissante de produire des livres sacrés. On se croyait à la veille de la grande catastrophe finale. Le Messie venait mettre le sceau sur la Loi et les Prophètes, non promulguer des textes nouveaux. Aussi, à l’exception de l’Apocalypse, qui fut en un sens le seul livre révélé du christianisme primitif[2],

  1. Jean, xiv, 26 ; xv, 26 ; xvi, 7 et suiv. Ce mot est propre au quatrième Évangile et à Philon, De mundi opificio, § 6.
  2. Justin, Dial. cum Tryph., 81.