Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/467

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divin. Chefs-d’œuvre de haute raillerie, ses traits se sont inscrits en lignes de feu sur la chair de l’hypocrite et du faux dévot. Traits incomparables, traits dignes d’un fils de Dieu ! Un dieu seul sait tuer de la sorte. Socrate et Molière ne font qu’effleurer la peau. Celui-ci porte jusqu’au fond des os le feu et la rage.

Mais il était juste aussi que ce grand maître en ironie payât de la vie son triomphe. Dès la Galilée, les pharisiens cherchèrent à le perdre et employèrent contre lui la manœuvre qui devait leur réussir plus tard à Jérusalem. Ils essayèrent d’intéresser à leur querelle les partisans du nouvel ordre politique qui s’était établi[1]. Les facilités que Jésus trouvait en Galilée pour s’échapper et la faiblesse du gouvernement d’Antipas déjouèrent ces tentatives. Il alla lui-même s’offrir au danger. Il voyait bien que son action, s’il restait confiné en Galilée, était nécessairement bornée. La Judée l’attirait comme par un charme ; il voulut tenter un dernier effort pour gagner la ville rebelle, et sembla prendre à tâche de justifier le proverbe qu’un prophète ne doit point mourir hors de Jérusalem[2].

  1. Marc, iii, 6.
  2. Luc, xiii, 33.