Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/526

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et Jean ne quittèrent pas de vue leur maître. Un autre jeune homme (peut-être Marc) le suivait couvert d’un vêtement léger. On voulut l’arrêter ; mais le jeune homme s’enfuit, en laissant sa tunique entre les mains des agents[1].

La marche que les prêtres avaient résolu de suivre contre Jésus était très-conforme au droit établi. La procédure contre le « séducteur » (mésith), qui cherche à porter atteinte à la pureté de la religion, est expliquée dans le Talmud avec des détails dont la naïve impudence fait sourire. Le guet-apens judiciaire y est érigé en partie essentielle de l’instruction criminelle. Quand un homme est accusé de « séduction », on aposte deux témoins, que l’on cache derrière une cloison ; on s’arrange pour attirer le prévenu dans une chambre contiguë, où il puisse être entendu des deux témoins sans que lui-même les aperçoive. On allume deux chandelles près de lui, pour qu’il soit bien constaté que les témoins « le voient »[2]. Alors, on lui fait répéter son blasphème. On l’engage à se rétracter. S’il persiste, les témoins qui l’ont entendu l’amènent au tribunal, et on le lapide. Le Tal-

  1. Marc, xiv, 51-52. Marc était, en effet, de Jérusalem. Act., xii, 12.
  2. En matière criminelle, on n’admettait que des témoins oculaires. Mischna, Sanhédrin, iv, 5.