Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/538

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saient dénués de sens. Ne voyant pas quel levain dangereux pour l’empire se cachait dans les spéculations nouvelles, ils n’avaient aucune raison d’employer la violence en pareil cas. Tout leur mécontentement tombait sur ceux qui venaient leur demander des supplices pour de vaines subtilités. Vingt ans plus tard, Gallion suivait encore la même conduite avec les Juifs[1]. Jusqu’à la ruine de Jérusalem, la règle administrative des Romains fut de rester complétement étrangers à ces querelles de sectaires entre eux[2].

Un expédient se présenta à l’esprit du gouverneur pour concilier ses propres sentiments avec les exigences du peuple fanatique dont il avait déjà tant de fois ressenti la pression. Il était d’usage, à propos de la fête de Pâque, de délivrer au peuple un prisonnier. Pilate, sachant que Jésus n’avait été arrêté que par suite de la jalousie des prêtres[3], essaya de

  1. Act., xviii, 14-15.
  2. Tacite (Ann., XV, 44) présente la mort de Jésus comme une exécution politique de Ponce Pilate. Mais, à l’époque où écrivait Tacite, la politique romaine envers les chrétiens était changée ; on les tenait pour coupables de ligue secrète contre l’État. Il était naturel que l’historien latin crût que Pilate, en faisant mourir Jésus, avait obéi à des raisons de sûreté publique. Josèphe est bien plus exact (Ant., XVIII, iii, 3).
  3. Marc, xv, 10.